STRANGER TRIPS est une série d’histoires racontées par ceux qui les ont vécues. Des personnes « ordinaires » qui vivent des aventures ou des mésaventures de voyage. À savourer sous forme de textes, de podcasts ou de vidéos.

👉 Suivez la série STRANGER TRIPS sur Youtube

Rodolphe en Prison à New York 🗽🚨

– – –

” Et là, il me prend les mains et il met les menottes. Et je fais « What the fuck ? »
Je suis dans une prison ! J’hallucine. “

– – –

Ben voilà, moi c’est Rodolphe, j’ai 43 ans, j’habite à Bruxelles, capitale de l’Europe, je suis un grand amateur de bière. Et j’ai pas mal voyagé. Mon dernier voyage c’était en Inde. C’est un autre monde. Mais bon, ça se fera avec d’autres vidéos.

C’est une histoire qui s’est passée il y a une petite vingtaine d’années maintenant. En 2008, je vais aux États-Unis avec un pote. Moi, je parle plutôt bien anglais, je me débrouille. Et mon pote, Geoffrey, qui, malgré ses origines irlandaises, ne parle pas un mot d’anglais. Bon, une fois qu’on avait picolé, il arrivait à s’exprimer. Mais bon, ça ressemblait à rien du tout.

On reste deux semaines et demie, je pense, à New York. C’était fantastique. Donc on a déjà fait quelques visites, on connaît un petit peu la ville, on a pris un peu le métro. On est pas mal restés dans le coin de Manhattan, surtout. On a fait pas mal la fête.

Et un jour, je pense que c’était la fête nationale de la République dominicaine. Il y avait la fête partout dans la rue. C’était magnifique, plein de belles couleurs, tu vois, je vois du bleu, du rouge, du blanc. Il y a toute une espèce de cortège qui balade avec de la musique, des gens qui dansent. C’est le carnaval de Rio à New York, quoi, presque. Par chance, on tombe là-dessus. Et bon, ben bonne ambiance, c’est chouette. C’est des cadeaux, quoi, tu vois, quand t’es quelque part et que tu peux assister à ça.

On suit un petit peu le cortège, on se retrouve devant le Hard Rock Café. Je pense qu’il y avait la guitare de Jimi Hendrix et un T-shirt de Kurt Cobain, tu vois. Donc, je me suis dit, ben, on va y aller. Fallait descendre pour aller au bar. Oui, il y a un petit côté musée, mais bon, on a vite fait le tour, quoi. J’ai vu la guitare de Jimi et puis, on est allé voir si le bar était là. Et donc, là, on recommandait à boire. Et le mec nous dit, non, non, tu peux boire ce que tu veux, mais pas de l’alcool avant 14h30, un truc comme ça. Alors, ce qu’il faut savoir à New York, c’est que tu peux pas picoler avant 14h. À mon avis, on a dû attendre une demi-heure.  

C’était l’heure. On est tout contents. On se commande des shots, je pense, de B52. Je pense que c’est de la vodka et autre chose par-dessus. Je sais plus. Et on s’en fait trois, quatre chacun, facile. Et donc, là, on commence à être un petit peu chaud. Pour calmer un petit peu, on se décide de passer à la bière. Geoffrey, comme moi, on a une bonne descente. Ben, lui, déjà, avec ses origines irlandaises, c’est comme les Belges, quoi. Tu vois, c’est un peu dans notre ADN. On en boit quelques-unes. Je pourrais pas te dire combien, mais je sais qu’on ressort du bar et on est pétés, quoi.

Et il y a encore des morceaux de cortège qui se baladent. Tu vois, il y a plein de gens. Les rues sont bloquées. Et donc, on se mêle à cette foule. Mais on est quand même un petit peu en décalage, quoi. Les gens ont pas picolé comme nous. On a picolé, en tout cas. Donc, il y a un peu trop de monde pour nous.

Et on décide d’aller au Marriott. Et j’avais vu dans le guide du retard qu’au dernier étage du Marriott, ils ont une espèce de rooftop, mais c’est un bar-restaurant tout vitré et qui tourne avec vue sur Times Square. Donc, magnifique. J’arrivais pas à croire, d’ailleurs, qu’on puisse y aller comme ça et que ce soit pas foule, foule, foule. On est arrivé là au milieu d’après-midi et on attend qu’il fasse noir en consommant du champagne et des fraises. Et donc, on fait un tour, deux tours, trois tours. Ça tourne tout doucement, tu vois. Mais bon, ça nous fait marrer. On a dû faire, à mon avis, trois ou quatre bouteilles. On est ronds comme des barriques. Je me souviens plus d’être sorti de là, d’ailleurs.

On ressort dans la rue. Il fait nuit noire, mais il y a toujours plein de monde. C’est busy. On est en plein Times Square. On est sur la route pour retourner vers l’hôtel. On est torché de chez torché. On marche pas droit. Et je dois pisser, je dois pisser.

Je sais pas ce qui me prend. Il y a une cabine téléphonique à moitié ouverte, comme ça. Et donc, je me mets dans cette cabine téléphonique. Enfin, tu vois, t’es un petit peu camouflé. Et je pisse. Je pisse. Tout d’un coup, il y a quelqu’un qui est derrière moi et qui me dit, « Ouais, qu’est-ce que t’es en train de faire ? » Et c’est un flic.

Et je fais, « Oh, putain ! » Et donc, là, je me dis, « Ah non, mais rien, je… » En deux-deux, je lui dis, « Non, mais j’étais en train de téléphoner parce que j’avais vu dans le guide du routage que si tu étais perdu, tu pouvais appuyer sur le zéro, tralala, tralala. » Et puis, le mec, il me branche pas, quoi. J’avais déjà capté que les flics, ils rigolaient pas. Il me branche pas et il me dit, « Non, non, non, tu vois, là, là, il y a une caméra. Et de ma voiture, je vois ton vieil. » Et je fais, « Ah, non, non, mais je te promets. » Il me dit, « Non, non, allez, OK, tu as menti. Et parce que tu as menti, je t’arrête. » Et là, il me prend les mains et il met les menottes.

Et là, c’est très bizarre, tu sens cette sensation de métagne. J’ai les mains dans le dos et je fais, « What the fuck ? » C’est la première fois que ça m’arrive et je ne savais pas personne, c’est très spécial. Il y a mon pote, Geoffrey, qui se dit, « Putain, qu’est-ce qui se passe ? » Et qui essaye de baragouiner avec les flics. Il y a le deuxième flic qui sort de la voiture et qui dit à mon pote, « Écoute, si toi, tu commences à parler, on t’arrête aussi. » Et il lui fait le signe avec les menottes.

Et donc, je vois Geoffrey comme ça, qui recule sur le trottoir et un policier qui me met dans la voiture, à l’arrière. Je vois la lumière bleue qui tourne et je vois mon pote au loin et la voiture qui démarre. Et je me dis, « Putain, c’est quoi ce délire ? C’est un truc de malade. » J’étais dans un film. Je suis donc en train de me déplacer, d’ennuyer dans une voiture de police. À un certain moment, je me dis, « Putain, mais c’est incroyablece truc. »

Je me dis, bon ok, je vais devoir payer. Donc je suis là, je suis à l’arrière de la bagnole, et je me demande, moi de un, si Geoffrey va retrouver l’hôtel, parce qu’il est tout seul, bourré, en plein milieu de New York, et de deux, à quelle distance de l’hôtel les flics vont s’arrêter, quoi. Donc je vais depuis ce commissariat, mais ouais, s’il faut, ils vont rouler pendant une heure, et j’ai besoin de me faire chier à rentrer.

On arrive dans cette rue, cette rue qui ressemble à rien, enfin une petite rue. C’est dingue, parce que t’as cette atmosphère, comme dans les films, t’as de la fumée qui sort, des grillages par terre en pleine nuit, y’a un morceau de carton à droite, y’a un clochard à gauche, t’as ces trois marches pour rentrer dans ce commissariat pourri des années 80. On arrive là-dedans, et là on va se réimaginer un vieux film de Starsky et Hutch. On est en 1980, avec des lumières de néon, y’en a une sur deux qui clignotent. L’entrée du commissariat, c’est un espèce de vieux banc en bois comme ça, le mec qui est là de garde, j’imagine.

Jusqu’à l’entrée dans le commissariat, je suis menotté. Y’a plein de flics partout. Ils m’enlèvent les menottes. J’ai un peu dessoulé, je suis en mode putain, fais chier, qu’est-ce qui va se passer maintenant ? Ils me demandent mon passeport. J’ai pas mon passeport, j’ai pas de carte d’identité. Donc ça, c’est un grand problème. Ils notent mes informations, ils me demandent le nom de mon hôtel, je connais pas le nom de mon hôtel. Je sais que j’étais Belge en vacances, que j’allais repartir du pays, enfin, rien.

Donc ils prennent mes empreintes, ils prennent des photos de devant, de profil, et alors dans ma tête, j’imaginais avec le maître. Y’a pas de maître. Et puis, ils me remettent les menottes, on monte un étage. Je me dis, bon, ok, qu’est-ce qu’on va encore faire ?

Et là, je me retrouve devant un couloir, avec toutes les cellules les unes derrière les autres, avec une barrière en fer. C’est que du béton, c’est tout gris foncé. Je m’arrête devant la première cellule, et il me dit, maintenant, enlève tes lacets. Je dis, c’est une blague ? Il me dit, non, non, enlève tes lacets. Je dis, mais quoi, comment ? Il me dit, enlève tes lacets, je vais pas te le demander plusieurs fois. Pour moi, c’était vraiment, il voulait me faire peur. J’enlève mes lacets, je lui donne, et il me met dans la cellule. Là, j’hallucine. Putain, c’est quoi ce délire, quoi ? Je suis dans une prison.

Tu dois t’imaginer, j’avais 2 mètres de gauche à droite, et 4 mètres ou 3 mètres en long, quoi. Et devant moi, y’a un pot, mais c’est un pot, genre, y’a un trou dans le béton, et sur la droite, c’est un espèce de banc bétonné. C’est tout du béton. Je suis dans une prison du Moyen-Âge. Je retourne, il ferme la porte, et là, je suis au barreau, je dis, mais attends, je vais rester ici combien de temps ? Il me dit, ouais, juste que tu passes devant le tribunal. Je me dis, mais non, c’est quoi ce délire ? Et il se barre. Et là, j’hallucine.

Je suis dans mon truc, et je me dis, putain, mais alors là, c’est le level 2, quoi. Là, je suis, mais où est-ce que je suis ? Je rigole un peu, et puis ça commence à me faire chier, mais je suis tellement saoul, que je m’allonge sur ce banc bétonné, et je m’endors.

Quelques heures plus tard, je me réveille, et là, je suis en bas de total, je fais, putain, mais c’est quoi ce délire ? Et là, je commence à gueuler à la grille. Je dis, ouais, putain, sortez-moi d’ici, j’en ai marre ! Je gueule, mais comme un forcené, mais un truc de malade, quoi. Et je gueule, je gueule, je gueule, je gueule. Et instantanément, y’a un flic quand même qui vient, et qui dit, oui, qu’est-ce qu’il y a ? Je dis, ouais, putain, mais qu’est-ce que je fous là ? Putain, moi, je suis belge, je fais un peu le grand, et je pense, à mon avis, que je commence à me baratiner, oui, mais vous savez pas ce que je suis, ou des conneries pareilles, enfin, vraiment, un gros branleur, quoi. Et puis, il dit, bon, écoute, t’es mignon, mais rien à tirer, tu vas rester ici jusqu’à ce qu’on te le dise. Et puis, je gueule, je gueule, je gueule, je gueule, et j’entends des blessés à côté qui disent, ouais, ta gueule ! Et puis, là, je me dis, ouais, ok, bon, je vais me taire.

Et puis, en plein milieu de la nuit, y’a cette espèce de salopard, là, qui m’avait arrêté, qui vient me rechercher, puis je dis, oh, putain, enfin, on redescend, et là, je me retrouve dans une pièce, avec lui et un de ses potes, enfin, un autre flic, et à côté de nous, dans une cellule séparée, y’a une prostituée qui s’est arrêtée pendant la nuit, et qui gueule et qui dit plein de conneries, quoi. Et donc, le mec, il m’interview, parce que c’était une nouvelle histoire de passeport que j’avais pas, et ils arrivaient pas à me tracer, quoi, les gars. Et donc, la prostituée qui est là, en plein milieu de cette pièce, qui gueule et qui dit plein de conneries, et le mec qui est là, qui me dit, ah, t’as vu cette connasse ? Et puis, j’étais là, mais putain, mec, tu te rends pas compte, c’est nul, c’est nul, ce que tu fais. Et puis, j’étais en train d’essayer de lui faire réaliser que c’était un gros abruti, qui se moquait de la misère du monde, mais il en avait rien à cirer, c’était vraiment un… Tu dois t’imaginer, le flic, dans les Simpsons, là, tu vois, mangeur de donuts, il était là, il était content, et là, j’étais en bad, j’étais de mauvaise humeur, et je commençais à avoir soif. Donc ça, ça dure, je sais pas, une petite demi-heure, on va dire, et ils me remettent dans la cellule, je fais, putain, je dois retourner dans la cellule ? C’était juste pour avoir des infos, soit.

Le temps passe, le jour commence à se lever, il doit être vers 6-7h du matin, et il y a le changement de service, tu entends qu’il y a des flics qui arrivent, etc., et il y a deux flics qui passent, en fait, pour checker toutes les cellules, et ils passent juste devant ma cellule, et je leur pose la question, un des deux qui dit à l’autre, ouais, pourquoi est-ce qu’il s’est arrêté, lui ? Et puis, il dit, ouais, il a pissé sur la voie publique, et l’autre lui dit, ouais, c’est ça, moi aussi, je vais aller à Bruxelles, je vais aller pisser partout, les gars, il faut le retourner,

et enfin, il commence à gueuler, il dit, voilà maintenant vous vous levez, vous mettez tous devant la grille, les mains derrière le dos. Je dis ok. Toutes les grilles s’ouvrent. Maintenant vous avancez tous d’un pas. J’avance d’un pas et je vois sur ma droite les 4-5 pélos qui se sont fait arrêter comme moi pendant la nuit quoi. Ils nous mettent des chaînes, donc tu dois t’imaginer, les mains derrière le dos, les menottes, les pieds, et on est chacun relié aux pieds les uns à côté des autres. C’est Prison Break quoi. J’hallucine. Là je suis dépité, je m’en fous en fait, j’en ai marre. Je me dis mais putain, j’ai fait pipi dans la rue quoi les gars. C’est quoi ce traitement ?

On descend les escaliers, tous enchaînés les uns à côté des autres. On va chercher la prostituée dans l’autre local. On l’attache comme nous. Et là, ils nous prennent tous en photo. J’étais là, putain mais la photo de famille quoi. C’est dingue. Et alors un truc horrible, c’est qu’au milieu du tas, il y avait un clochard qui s’était fait arrêter. Il était vraiment dégueulasse sur lui et c’était shit. Et il puait le caca quoi. Mais c’était une horreur. C’était horrible, horrible, horrible. Les filles étaient là, ouais il s’est chié dessus. Bon, on s’en fout.

On est là, ils ont pris la photo. C’est compliqué, on marche comme des handicapés. Ils nous font sortir. Il pleut des cordes. Et ils nous font rentrer dans un combi de police. Mais alors tu dois t’imaginer. Donc rentrer dans le combi et on était tous recroquevillés comme ça. Et essayer de s’asseoir alors que, tu vois, c’est quasiment pas possible quoi. Ils referment la porte. Et donc on est là dans le combi avec le mec qui pue la merde quoi. Et ça schlingue. Et il pue mais il pue. C’est une horreur, c’est une horreur.

A chaque fois tu montes d’un grade dans l’absurdité du truc. Dans le combi, il y avait un trou dans le toit. Et il pleuvait à l’intérieur du combi. Et donc on est là, serrés les uns contre les autres. Il y a un trou au-dessus de notre tête. Et il pleut à l’intérieur du combi. Et bien les flics ils rentrent. Et ils font au moins 3 ou 4 allers-retours parce qu’ils ont pas les clés. Pendant 10 minutes on bouge pas. Le flic qui se met au volant et qui nous dit en fait on va au tribunal. Moi je me dis putain je vais au tribunal. On se déplace dans New York. Ça dure pas très longtemps heureusement. A mon avis ça dure 10-15 minutes. On arrive devant le tribunal. Il pleut toujours dans le combi. Les flics sortent. Ils doivent aller faire quelque chose je sais pas quoi. Mais on reste encore 10 minutes dans la bagnole. Puis ils nous sortent de là. On rentre dans le tribunal. Il fait plein jour. Il pleut.

C’est un espèce de grand bâtiment en briques rouges. Ça fait un peu officiel en fait un tribunal. Par rapport au commissariat c’était propre on va dire. Et là on arrive dans le tribunal. Ils nous détachent tous. Et ils nous mettent des menottes individuelles. Et les uns après les autres. Ils nous conduisent dans une cellule. Et alors là je me retrouve dans une autre cellule. Avec un autre type. Et je me dis putain c’est chier quoi. Qu’est-ce que c’est que ce bordel ? Jusqu’à maintenant tout c’était surréaliste. Mais là je me retrouvais avec quelqu’un qui s’était fait arrêté et je sais pas ce qu’il a fait quoi.

Donc je suis dans une prison à New York. Avec un mec, c’était un grand baraqué. Avec un mec qui est dans ma cellule. Et je me dis putain, putain, putain, putain. Combien de temps je vais rester ici ? Je vais pas tenir longtemps. Et là je suis mal quand même. Je suis pas à l’aise, je suis pas à l’aise du tout. Je meurs de soif, je meurs de faim. Il faut s’imaginer, là j’ai complètement défoulé. J’ai la tête comme un seau. Et j’ai pas eu une goutte d’eau quoi. Ça c’est quand même surréaliste. Depuis la veille, ils m’ont pas donné à boire quoi. Même pas de l’eau. Et donc je suis dans une nouvelle cage avec un autre gars. Qui me demande, tiens pourquoi tu t’es laissé arrêter ? Et puis je lui dis, parce que j’ai pissé sur la voie publique. Puis il me dit quoi, c’est dingue ça. Et puis je dis tiens et toi ? Et puis il me dit, ouais la même chose. Je lui dis, comment ça la même chose ? Il me dit, ouais c’était fou, ils arrêtent pour rien. Pour la parenthèse, après j’apprendrai que le mec c’était la troisième fois qu’il se faisait arrêter dans la semaine parce qu’il agressait des gens.

Et là on vient nous déposer un Burger King, un McDonald’s dans la cellule. C’est pas mal. Ils nous disent, ouais c’est tout ce qu’il y a. Mais alors c’était dingue. En fait c’était un McDonald’s de la veille avec un Dr Pepper plat, chaud. Je vois la tête du burger et je dis non mais je vais pas le manger ce truc là. Je bois un petit peu de Dr Pepper, mais Dr Pepper c’est déjà dégueulasse. Mais alors plat et chaud, c’est pour vomir quoi. Je l’ai donné à l’autre gars qui en a fait qu’une bouchée, il était tout content. Et puis il bouffe. Et puis tout d’un coup il se lève, il me dit, ouais désolé mais je dois aller aux toilettes quoi. Et je fais, non. Non, le mec il vient de couler un bronze ici dans le truc, c’est pas dedans. Non, heureusement il était juste allé pisser. Il fait son pipi. Et on reste pas longtemps, je crois que ça a duré une petite heure.

Ils viennent nous rechercher et là ils nous mettent dans la troisième cellule que j’ai faite de la nuit. Ils nous mettent dans une espèce de grand cube. Tu dois imaginer une pièce de 10 mètres sur 10. Et c’est un grand cube en plexi. Avec à l’intérieur des bancs sur les extérieurs. Tous les gars qui étaient fait arrêter la nuit se retrouvent là. Donc il y avait les gars qui étaient avec moi dans le combi et plus d’autres gens qui venaient d’autres commissariats j’imagine.

Là je sais qu’il est l’équivalent de 10, 11 heures du matin. Et là il y a, Dieu merci, un flic qui nous explique que donc là on attend de passer devant le tribunal. Mais qu’il va falloir probablement attendre que le juge ait fini de manger. Donc je vois qu’il est 10, 11 heures du matin. Et j’imagine que donc avant 13 heures je vais pas bouger de là. Et il nous dit qu’il y a un avocat qui va venir nous voir.

Je dis oh putain merci, Dieu merci. Un avocat va me sauver quoi tu vois ? Donc il y a un certain moment, il y a un avocat qui vient me trouver, et je me retrouve dans une petite pièce avec lui, et moi je suis là, « Ouais, ouais, alors qu’est-ce qu’on fait, tu vois ? » Et puis il me dit, « Non, ben alors je t’explique, ben voilà, tu t’es fait arrêter pour ça, et t’as de la chance, parce qu’ils auraient pu t’arrêter pour exhibition. S’ils avaient mis « Exhibition », t’aurais eu d’autres problèmes. » Il me dit, « En fait, ce qui va se passer, c’est que tu vas passer devant le juge, ils vont dire ton nom, tu te lèves, et après ça, tu vas devoir suivre un cours. » Je me dis, « Quoi ? »

Je me voyais, moi, à ce qu’ils me remettent de l’avion, en fait, que ce soit terminé, que je doive dégager le pays. À ce point-là, je m’en foutais, en fait. J’étais juste un petit peu désolé pour Geoffrey, dont le reste des vacances étaient terminées, mais je voulais en finir, quoi.

Donc on se retrouve dans cette salle, et là, on discute les uns avec les autres. Il y en a un, il s’est fait arrêter parce qu’il se droguait dans un parc. L’autre, il s’est fait arrêter parce qu’il avait volé une cadette de Red Bull. Vraiment des faits mineurs, quoi, on va dire. Sauf après, le gars qui était dans la cellule avec moi, quand j’ai entendu sa sentence, il a dû faire trois mois de prison parce que lui, il avait agressé des gens, quoi. Donc voilà, l’avocat est passé. A un certain moment, les juges, ils ont terminé de bouffer, et il est une heure et demie de l’après-midi.

Et là, je me retrouve devant la cour, je sais pas comment on peut appeler ça, et devant, t’as le juge sur un piedestale. Et avec, à droite et à gauche, des juristes, et un gars qui prend des notes, etc. Et derrière lui, il y a un grand écran où est affiché le nom du gars arrêté, et à droite, le message qu’il a fait. Donc les gens passent, donc mon ancien collègue de cellule, et là, il prend trois mois, et hop, je le vois partir, je dis OK, bon, ben ciao, merci d’avoir été gentil avec moi.

Et tout d’un coup, c’est un mois. Alors évidemment, au lieu de dire Rodolph, c’est Rudolph, cause de l’arrestation, urine sur la voie publique, et j’entends tout le monde qui rigole, quoi. Il y a vraiment tous les gens qui étaient là, qui font… C’était pour la note légère, à mon avis, dans le tribunal. Donc je me lève, il me la date 2-3 minutes, je fais pas attention à ce qu’il raconte, il tape avec son petit marteau, je reçois un papier comme quoi je dois suivre un cours, et on m’explique que le cours, en fait, il est au premier étage, donc c’est juste au-dessus, et que c’est dans une heure.

Je dis oh putain, OK, d’accord, je dois rien payer, je dois suivre une leçon d’une heure, j’ai pas mangé, j’ai pas bu, j’ai pas fumé, j’ai passé 12 heures de dingue. De dingue, dingue, dingue.

Je sors du tribunal, je descends les 4-5 marches, et au bout de la rue, avec une grande carte dépliée, sous la pluie, il y a Geoffrey qui arrive. Mais le miracle, infini. Je lui dis « Putain, mais c’est quoi ce truc ? » C’était surréaliste. J’étais en choc ! Je lui dis « Mais putain, qu’est-ce que tu fous là ? » Il me dit « Putain, j’ai marché toute la journée ! »

Le soir, il est rentré à l’hôtel, il m’a dit, il a téléphoné à une copine qui lui a expliqué que c’était la merde si je me faisais arrêter à New York, qu’il ne rigolait pas du tout avec ça. Donc il a un peu badé, et il a vu que mon passeport était dans l’hôtel. Donc il s’est dit « En pleine nuit, je ne peux rien faire. » Il a essayé de demander au concierge de trouver comment retrouver l’endroit où j’étais. Et je crois que le concierge, à un certain moment, lui a dit « Ouais, en fait, il n’a pas son passeport, et ils ont du mal à l’identifier, etc. » Donc d’une certaine manière, le concierge a quand même réussi à choper un commissariat.

Quoi qu’il en soit, Geoffrey, mon meilleur ami, en plein milieu de la nuit, après avoir téléphoné à sa copine, décide quand même de rentrer dans la chambre d’hôtel et de prendre un film de cul payant et de s’endormir et de partir à mes recherches le lendemain. Et en fait, le petit, le lendemain matin, il s’est réveillé et il a dit qu’il partait en mission. Il a demandé au concierge où était le commissariat, il est parti avec sa petite carte, avec son anglais dégueulasse, et il a marché pendant des kilomètres pour arriver au commissariat pour qu’enfin, au commissariat, on le dise que je suis au tribunal.

Et là, il a marché pendant des kilomètres à pied, sous la pluie, avec sa petite carte, tout ça pour arriver au bout de la rue, au moment où moi je sors. Magnifique. Je suis trop heureux de le voir. Et puis j’ai dit « Une clope du prix caché pour avoir ». Je lui fais un débrief vite fait de ce qui s’est passé, et lui m’explique que lui a passé une journée catastrophique. Je lui dis « Ah non, attends, Coco, tu veux savoir ? » Il me dit « Ouais, alors quoi ? C’est bon ? » Et puis j’ai dit « Non, non, je dois suivre un cours, quoi. » Donc on glande pendant 30 minutes.

Je retourne dans le tribunal, je vais au premier étage, et là, on est sur une table ronde, avec tous les gars qui doivent suivre le même cours que moi. Et c’était des gens différents de ceux qui étaient dans le tribunal avec moi, qui en ont strictement rien à foutre d’être là, évidemment. Et il y a un mec qui nous explique, en fait, Times Square, à l’époque, dans les années 80, c’était vraiment une zone dangereuse, beaucoup de trafic de drogue, de prostitution, etc. C’était un petit peu un coup de gorge. Et donc, ils sont passés en tolérance zéro. Et donc, c’était la raison pour laquelle on s’était fait arrêter, et qu’on devait comprendre que dans Times Square, il fallait adapter un certain comportement, ne pas pisser dans la rue. Et voilà. Donc ça a duré 45 minutes, un truc comme ça. On a signé un papelard, et j’ai pu ressortir.

Ah oui, et pour l’anecdote, on m’a notifié que quand même, je pouvais pas refaire de conneries aux États-Unis dans les 6 mois. Parce que s’ils me réarrêtaient dans les 6 mois, je risquais une plus grosse sanction, quoi.

Je me suis tenu à carreau le reste des vacances, qui était par la suite très chouette. Tel niveau de soulagement et de délivrance, t’es libéré, quoi, t’es libéré. Après, moi, ce que je voulais, c’est surtout me laver, et bouffer quelque chose de sain, et me laver, quoi, me laver, me laver, me laver, j’en pouvais plus. Et j’étais délivré, et sous la douche, j’étais là, mais putain, mais qu’est-ce que c’est que ce truc ? Il m’a fallu quand même encore 24-48 heures pour décanter le truc, tellement c’était énorme. C’était une expérience.

Depuis lors, quand je voyage, je ne bois presque plus. Ça reste un souvenir hyper puissant, quoi. Un truc que j’oublierai jamais. Aller manger un bout de pizza en bas de la Cité de la liberté, c’est plutôt commun. Non, là, j’ai vécu un truc incroyable. Et s’il y avait une fois dans ma vie où je devais faire du cachot, pas autant le faire à New York, quoi, je me dis.

Merci de m’avoir écouté, hein.

– – –

👉 Suivez la série STRANGER TRIPS sur Youtube

– – –